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  • EXPOSITION


    L'art-récup, une mécanique bien huilée pour Thomas Richard



    Thomas Richard est un “ assembleur ”. Il sculpte l'espace en offrant une nouvelle vie à la ferraille jetée au rebut.


    L'histoire pourrait commencer par “Tout petit déjà...”. Mais, sans remonter si loin (l'homme a 33 ans), le Saumurois Thomas Richard ose faire partager au public sa passion pour la sculpture depuis 4 ou 5 ans. Dans sa ville natale, Il fut l'un des invités du Musée du moteur (1999 et 2000) avant de s'offrir les vitrines de Pôle Position en octobre et d'être actuellement l'un des artistes présents au 3e Festival de peinture (chapelle Saint-Jean et péristyle Molière). “Je ne sais pas véritablement quand j'ai commencé, dit-il. Tout petit je m'intéressais à la poterie et c'est d'abord la terre que j'ai transformée". Une rencontre décisive avec une femme qui l'a poussé continuer, et le voilà dans le grand bain, lui, le professeur de biologie qui troque par moment scalpel et éprouvettes pour le fer à souder. "Je vois des points communs entre les sciences et l'art. Le principal : le doute, et dans les deux disciplines je recherche la remise en cause, le questionnement. La question est plus importante que la réponse. Voilà pourquoi je ne donne pas de titre à mes travaux". Un titre, des mots... Le vocabulaire est trop réducteur aux yeux de l'artiste qui préfère que chaque spectateur de ses installations y trouve sa propre évocation.

    Ferraille détournée

    Qu'il s'agisse d'un cylindre de suspension de Citroën ou d'une dent de charrue agraire, d'un fer à béton ou d'un pignon d'embrayage, Thomas à l'œil et imagine de suite la place de l'élément rouillé dans l'assemblage qui verra naître sous ses doigts, un personnage imaginaire, sorte de Don-Quichotte saumurois, un frêle échassier ou une gabare futuriste.

    C'est un "art-récup" bien inspiré qu'il laisse contempler en chapelle Saint-Jean actuellement. Un rien provoc sa statue de la Liberté brandissant un pot d'échappement et bardée d'un masque à gaz, interpelle, choque, peut-être, et lance un cri à la surconsommation, à la surproduction : “Provocateur certainement, mais pas moralisateur”.

    Sculpteur scientifique

    Il y a cette bivalence entre Thomas le scientifique et Scorfa - son pseudo d'artiste - le manuel créateur, habité par le doute et l'envie d'échanger des impressions avec le public. “Rien n'est établi. En fait j'espère ne jamais aboutir. Aboutir c'est être vieux et je ne veux pas vieillir”. Jusqu'à dimanche, il est possible de découvrir cette jeunesse, celle d'un autodidacte qui s'est affranchi de l'académisme pour offrir, par cette sorte de Meccano, sa vision du monde nourrie d'une remise en question perpétuelle, comme une blessure qui ne guérit jamais.


    Bruno Jeoffroy, Le Courrier de l'Ouest, vendredi 26 janvier 2001.


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  • PORTRAIT


    Histoires de matières


    Si la gravure est à l'honneur du 3e Festival de peinture, les sculpteurs ont aussi leur place. Avec d'autres artistes, Thomas Richard, dit “Scorfa”, expose dans la chapelle Saint-Jean.


    Sous les voûtes de la magnifique Chapelle Saint-Jean, les sculptures de Thomas Richard contrastent avec la blancheur du tuffeau qui pare les lieux. Profils d'hommes, d'animaux ou représentations abstraites, ses sculptures sont faites d'objets de récupération, d'un métal sombre patiné par les ans.

    Petit déjà, ce jeune artiste saumurois était un "manipulateur d'objets”. Depuis plus de cinq ans, l'artiste touche-à-tout déambule dans les décharges publiques, ferrailleurs et autre poubelles de serruriers en quête de matière première pour réaliser ses sculptures. “Je récupère les pièces qui me parlent et j'assemble. Le plus souvent, c'est la matière qui me donne des idées et qui me conduit à un sujet. Mais parfois c'est l'inverse : je pars d'un croquis, et je cherche les matériaux nécessaires pour le mettre en œuvre.” Thomas Richard se laisse ainsi conter des histoires par les matériaux qu'il croise sur son chemin. Devant un morceau de roue de charrette, il se dit que “ça ferait un chouette pont" et y fait danser deux personnages. Tandis que des tubes creux l'amènent à revisiter la statue de la liberté. Une œuvre provocatrice : “Ce n'est pourtant pas vraiment mon truc, la provoc”, confie-t-il. Mais cette statue qui porte un masque à gaz, et dont le bras tendu n'est qu'un vulgaire pot d'échappement déchu, constitue bel et bien "une critique acerbe du modèle américain”.

    Dans la Chapelle Saint-Joseph qui accueille pour la première fois des œuvres d'artistes, les sculptures de Thomas Richard sont installées au niveau de l'autel. Un espace adapté pour exposer un personnage en croix, qui, comme les autres œuvres, n'a pas été baptisé. “Mes mots sont réducteurs par rapport à mon travail. C'est pourquoi je ne donne pas de titres à mes sculptures. Je veux laisser les gens libres d'interpréter ce qu'ils veulent. Je veux répondre à une attente que j'ai moi-même à l'égard de l'art : qu'il me fasse rêver.”

    S'il laisse donc les visiteurs conceptualiser son travail à leur gré, l'artiste saumurois entend bien se nourrir de ces "regards". Les expositions sont faites pour cela : "J'aime pouvoir connaître les avis de ceux qui découvrent mon travail. Je m'en nourris. Car on ne peut pas être artiste tout seul dans son coin. Ce serait trop facile.”

    Cela dit, l'homme n'est pas seulement sculpteur. Quand il ne laisse pas son imagination (et son poste de soudure) voguer au gré de ces histoires que lui racontent les matériaux, il enseigne la biologie. Une autre histoire de matières...


    C,JANIN. La Nouvelle République, Jeudi 25 janvier 2001, p.6.


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