• RENCONTRE

    Scorfa, magicien de la récupération


    Comme il travaille essentiellement à partir de matériaux de récupération, le sculpteur Saumurois Scorfa a choisi d'exposer dans la vitrine d'un magasin de pièces détachées.


    LES Saumurois habitués de la rue d'Orléans ont peut-être été surpris en passant ces derniers jours, le long de la vitrine du magasin de pièces détachées et réparations automobiles, Pôle position. D'étranges âmes de pierres ou de métal hantent ce lieu utilitaire par excellence. Le sculpteur Scorfa, dont on a pu découvrir les ?uvres au musée du moteur, a investi ce lieu pour une durée indéterminée. Mais ce choix est quant à lui bien défini : “Je viens d'avoir 33 ans, un âge mythique qui m'a poussé à créer quelque chose. J'aime l'idée de travailler en vitrine, car on peut ainsi toucher tout le monde, au contraire d'une galerie.”

    Sur les pièces détachées, Scorfa en connaît un rayon. Il passe son temps dans les décharges ou les casses automobiles ; l'une de ses sculptures exposées a ainsi été réalisée partir d'un disque de tracteur et d'un pot d'échappement. “J'aime le matériel qui a déjà une histoire ; je ne veux pas donner de leçon sur le recyclage, même si j'y crois beaucoup, mais plutôt dire qu'il n'existe de création qu'à partir de quelque chose déjà existant”, souligne Scorfa.


    Le matériau dicte la création

    Cet artiste, qui se définit comme “trop moderne pour le grand public et trop classique pour les connaisseurs”, dans le, sens où il ne donne ni dans l'avant-garde. ni dans la performance, ne se veut surtout pas moraliste. Il préfère semer des points d'interrogation, dans les esprits plutôt que de tenter d'y répondre pour les autres. Thomas Richard de son vrai nom, Scorfa recherche avant tout à “jouir de l'histoire d'un objet”. C'est ainsi qu'est né un personnage inquiétant et fantasmagorique, entièrement réalisé à partir des vieilleries retrouvées dans une vieille écurie adjacente à la maison où il vient de s'installer à Saumur.

    On y retrouve une partie en papier mâché, matériau soigneusement choisi parmi d'anciennes coupures de presse relatant des faits-divers particulièrement sordides. Mais l'?uvre de Scorfa n'est pas entièrement noircie par les écarts de notre société. Il travaille également la lumineuse pierre de tuffeau : “Je laisse le matériau me dicter ce que je vais créer. Il m'arrive parfois de réaliser des croquis, notamment pour les sculptures soudées Mais je préfère saisir l'opportunité sur le moment.”

    Professeur de biologie à Saint-Louis, le sculpteur a en projet de travailler avec des comédiens pour monter des décors. Ou encore de faire naître des sculptures qui parlent, en collaboration avec des gens de lettres : “Le texte permet de faire parler la sculpture et celle-ci de mettre en volume un texte par essence plat.” Mais Scorfa projette avant tout de laisser faire le hasard des rencontres et des opportunités. Un brin provocatrices, les ?uvres qui s'affichent en vitrine rue d'Orléans attendent les réactions des Saumurois. Et comme l'artiste ne veut pas les enfermer dans des concepts, chacun pourra y entrevoir ce qu'il désire.


    Béatrice BOSSARD. La Nouvelle République, samedi 21 octobre 2000


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